Après avoir organisé plusieurs conférences dans différents pays du globe, ATMOsphère posait pour la première fois son estrade et ses micros en France ce 5 juillet. L’Hôtel Intercontinental de l’avenue Marceau à Paris accueillait à cette occasion plus d’une centaine de participants parmi lesquels figuraient plusieurs représentants de la grande distribution. « Ça commence à bouger en France » a souligné en préambule, Marc Chasserot, directeur de Schecco et organisateur de cette journée pour expliquer que cette inertie française n’avait pas été jusqu’ici propice à la tenue d’un tel événement. Et de rappeler que son objectif est de montrer les opportunités offertes par les fluides « naturels » en France aujourd’hui. Après avoir fait remarquer que de plus en plus de pays en voie de développement veulent éviter les HFC pour aller directement des HCFC vers les fluides « naturels », Marc Chasserot a rappelé que ces décisions créent des opportunités plus grandes pour les fabricants qui proposent toujours plus de solutions. La part de marché des fluides « naturels » à travers le monde reste cependant encore très faible, selon l’organisme qui l’estime de l’ordre de 10 %. D’emblée, l’organisateur a toutefois souligné un problème de formation dans le monde en général et en France en particulier. Schecco a recensé l’an dernier 40 centres qui proposaient des formations aux fluides « naturels » sur 193 dans l’Hexagone.
Quand on reparle de la taxe
Très attendue, l’intervention du député Matthieu Orphelin a permis de remettre la future taxe française sur les fluides HFC au coeur des débats. Le parlementaire à l’origine de l’amendement pour cette fiscalité lors du vote de la loi de finance 2018 s’est dit convaincu qu’elle serait incluse par le gouvernement dans celle de 2019 (Lire aussi page 18). Il convient, selon lui que la France se montre exemplaire dans l’élimination des fluides à fort PRP et qu’à ce titre notre pays fasse plus que ce que prévoit la réglementation française à ce jour. Elle suivra en cela l’exemple d’autres pays comme l’a rappelé Marie Battesti, en charge de ScheccoBase qui recense notamment les décisions prises en la matière à travers le monde. Si l’amendement de Kigali, qui prévoit une réduction des émissions de HFC de 85 % d’ici 2040, a été un très bon signal à l’international, il existe encore de nombreuses barrières réglementaires qu’il convient de faire évoluer dans le monde, notamment en matière d’utilisation des hydrocarbures et des fluides inflammables. Au niveau des taxes, Marie Battesti a rappelé le cas de l’Espagne avec un niveau de 20 euros la tonne équivalent CO2, qui se révèle un succès d’après le ministère de l’environnement espagnol. Sans parler du Danemark qui a instauré cette fiscalité depuis plusieurs années. Et même dans les pays qui pourraient nous en paraître très éloignés, des avancées sont porteuses d’espoirs comme en Californie qui a un rôle moteur aux États-Unis ou encore en Chine qui se montre proactive sur le sujet. En témoigne l’ATMOsphère qui s’y est tenu en avril 2018. Dans ce pays qui prévoit une élimination des HFC en 2045, le gouvernement pousse actuellement fortement les hydrocarbures. Au niveau de l’Europe, où il est encore prévu une multiplication par vingt des prix du R 404A, la Commission européenne estime que l’on pourrait aller jusqu’à une taxation de 50 euros par tonne équivalent CO2, niveau maximum tolérable pour l’industrie. Marie Battesti a aussi souligné le programme Life- Front qui se concentre sur l’utilisation des hydrocarbures et des inflammables avec l’objectif de lever les obstacles à leur utilisation afin d’élargir ce marché pour tous les types d’applications.
Aider la formation
Afin de faciliter l’accès à la connaissance des fluides « naturels », Dr Ina Colombo de l’Institut international du Froid a présenté différentes initiatives dans ce domaine. Et en premier lieu, le projet REAL Alternatives for LIFE soutenu par la Commission européenne pour l’environnement et l’action pour le climat. Dans le cadre de ce programme de financement, la Commission européenne cofinance un consortium européen de centres de formation et d’associations, en partenariat avec l’Institut International du Froid (IIF), afin de dispenser aux formateurs des sessions de formation sur les frigorigènes à faible potentiel de réchauffement planétaire (hydrocarbures, CO2, ammoniac, HFO, R32). L’objectif étant d’assurer une utilisation sûre, efficace, fiable et rentable de ces frigorigènes. Les cours sont dispensés en 14 langues. La représentante de l’IIF a aussi évoqué SuperSmart, un projet d’une durée de trois ans qui s’achèvera en janvier 2019. Il vise à réduire la consommation d’énergie des supermarchés (chauffage et froid essentiellement), qui représente près de 4 % de la consommation totale d’électricité en Europe. Financé par « Horizon 2020 », ce projet examine de quelle façon la consommation d’énergie peut être réduite par l’observation de meilleures pratiques, grâce à la formation et à l’information ainsi qu’à un usage différent des ressources énergétiques. La parole a aussi été donnée à la grande distribution et plus spécialement à Carrefour, représentée par Jean-Michel Fleury et à l’enseigne Delhaize avec David Schalenbourg. Tous deux ont fait le point sur la position actuelle de leurs groupes. Jean-Michel Fleury a ainsi souligné l’engagement de Carrefour vers les fluides « naturels » qui a commencé dès 2011 en Italie, grâce à l’appui de plusieurs personnes en interne comme Paolo Martini (Lire encadré). L’après-midi, les échanges ont permis de donner la parole aux différents partenaires de l’événement (Profroid, Engie Axima, Hauser, ou encore Tewis, Dorin ou encore Carel, Lu-Ve et Panasonic).
CARREFOUR
Un investissement de 600 millions d’euros
Jean-Michel Fleury, project director – international support chez Carrefour a fait le point sur l’utilisation des fluides « naturels » au sein de l’enseigne. Après un démarrage en 2011 en Italie, de belles réalisations ont été faites en Espagne qui ont eu un effet d’entraînement ailleurs. Après des réticences au début en France, c’est aujourd’hui la Belgique qui se révèle le pays le plus dynamique en termes d’accélération de la mise en place du CO2 en Europe. Toutes technologies CO2 confondues, Carrefour compte actuellement de l’ordre de 400 installations à travers le monde. Si l’objectif au départ était de convertir progressivement toutes les installations au CO2, le distributeur a entre-temps décidé aussi de faire des retrofits au R 448 et R 449 pour des raisons économiques, les financiers étant très regardants sur les Capex*. Ce qui a obligé à un état d’inventaire et à prioriser les changements. Ces retrofits concernent les installations les plus récentes. Globalement, Carrefour estime que rien qu’en France ceux-ci ajoutés au passage au CO2 des plus anciennes représentent un investissement de 600 millions d’euros jusqu’en 2030. Précisons enfin que l’enseigne qui gère de très nombreux formats de magasins doit aussi être très active sur ces plateformes logistiques de plus en plus vastes, en phase avec le développement du E-commerce. Et en la matière le CO2 semble là aussi s’imposer face à l’ammoniac. * Dépenses d’investissement en immobilisations corporelles