picture

C’est grâce à Michel Barth mais surtout à Jean-Pierre Gilles qu'Adriano Mearini a pu rassembler les souvenirs suivants de Serge de Beauchamp...

Serge est né le 24 juin 1931, à Nantes. Il était minuit trente, et cela se passait en face de la cathédrale. Il était donc breton mais avec également des origines basques. Il disait que c’était son plus mauvais coté et en plaisantant Jean-Pierre Gilles lui disait que ce défaut dominait les autres ! Il avait une personnalité particulière, avait fréquenté les écoles jésuites à Nantes, ce qui laisse des traces dans le comportement. Il était très intelligent, cultivé et doué d’une excellente mémoire. Il était attiré par des individus qui apparaissaient hors-norme, qui à titre divers n’étaient pas des gens « neutres ». Toutefois il était interdit de rentrer dans sa sphère privée, et tous ceux qui franchissaient ce passage furent écartés.

Serge de Beauchamp a fait des études à l’Insa puis à l’IFFI, puis effectué son service militaire au Maroc comme sous-lieutenant. Il avait été commandant de la place d’Azrou dans l’Atlas.

Serge était entré chez Unilever pour diriger Frigidaire à Léopoldville au Congo belge où il avait succédé à Paul Alessandrini, ingénieur IFFI, devenu ensuite chef d’agence Danfoss à Toulouse et dont Jean-Pierre était l’adjoint en 1961. Lorsque Serge est revenu en France, il avait en charge le développement des ventes sur le plan national pour le compte d’une société de climatisation et ventilation. Comme il n’avait pas eu l’occasion de connaître Paul Alessandrini, de passage à Toulouse, il a souhaité le rencontrer. Jean-Pierre Gilles a fait la connaissance de Serge de Beauchamp en 1962, en échangeant des informations sur le potentiel du grand Sud-Ouest et sur les entreprises les plus qualifiées du secteur : « Nous lui avons parlé de Danfoss et des intentions du Danemark de structurer et d’augmenter leur position en France. A cette époque Danfoss avait été représentée en France par HVH, émanation française d’une société de distribution de matériel frigorifique basée en Belgique. Madame Doré, secrétaire chez HVH avait décidé Mad Clausen, le créateur de Danfoss au Danemark,  de créer Danfoss France. Il faut préciser que Madame Doré était une femme d’affaire visionnaire. Elle avait recruté des cadres techniques pour créer des agences à Nantes, Toulouse, Marseille, puis ensuite Lyon, Lille, Strasbourg. Le chiffre d’affaire était en croissance exponentielle mais il fallait structurer, organiser, et unifier les politiques commerciales des différentes agences qui apparaissaient comme des « wilayas »indépendantes. » C’est ainsi que Serge fut recruté officiellement pour s’occuper du secteur parisien et pour prendre en main les destinées de Danfoss Réfrigération en France. Les chefs d’agences furent « rapatriés » au siège de Nanterre avec de nouvelles attributions. Par la suite Madame Doré quitta la société et Jean-Philippe Gaillard fut nommé directeur de Danfoss France. Serge de Beauchamp en devenait le directeur commercial avec sous sa responsabilité les services réfrigération, chauffage, hydraulique et industrie. Par la suite Jean-Philippe Gaillard partant en retraite, Serge de Beauchamp devenait officiellement le chef de Danfoss France.

Il y avait chez lui quelque chose de gaullien. Il aimait toutefois discuter et échanger avec ceux en qui il avait confiance. La méthode était le plus souvent basée sur une confrontation entre plusieurs solutions : il en soutenait une en espérant que son interlocuteur plaide pour le contraire. Avec d’autres il reprenait à son compte les arguments de son contradicteur et réussissait ainsi à se faire une opinion d’où émergeait la meilleure solution. Serge était un compagnon très agréable s’intéressant à tout. Avec lui rien n’était banal et sa culture était assez éclectique. Il était fidèle en amitié, aimait les gens, le monde et était partout à l’aise. Il avait incontestablement de la classe, sans jamais vouloir paraître supérieur aux autres.

Michel se souvient : « Quand j’ai pris la direction de Matal, tous les fournisseurs ne livraient qu’au comptant. Serge m’a appelé pour me féliciter, me dire que j’étais courageux et que, dorénavant, il rétablissait les conditions de paiement normales avec Matal. Lui aussi était courageux, je n’oublierais jamais cette façon d’exprimer sa confiance en moi. »

 Je me souviens de nos ballades en montagne, avec Max Lansard, le père de Philippe Lansard, Marc Simonnet et Gilbert Rey. Philippe Lansard avait l’autorisation de Serge, son patron, de le tutoyer au-dessus de

3 000 m seulement. Serge avait été décoré de la médaille de Chevalier de l’Ordre de Dannebrog, ordre danois équivalent à la Légion d’Honneur. Il était aussi Chevalier dans l’Ordre du Mérite Agricole. Après leur dernière rencontre, Jean-Pierre Gilles l’avait quitté, peiné de constater que Serge avait été victime d’un ictus. Il cherchait ses mots, mais avait toutes ses facultés. Son départ a été pour Serge une délivrance, soyons-en convaincus.